Après notre grande joie d’avoir découvert le film Eddie the Eagle, nous en avons eu une deuxième joie avec le réalisateur Dexter Fletcher, Taron Egerton et Hugh Jackman qui ont répondu avec beaucoup d’humour à nos questions. N’hésitez pas à jeter un œil à ma critique d’Eddie the Eagle.
Qu’est-ce qui vous a inspiré dans cette histoire ?
Dexter Fletcher : Il y a 28 ans, j’avais vu Eddie « the Eagle » Edwards aux J.O. devant mon poste de télévision. Ce jeune hurluberlu était un peu embarrassant pour les anglais. En Angleterre, on n’a pas vraiment de montagnes, encore moins de neige, et pas de sauteurs à ski. On se retrouvait sur le devant de la scène avec ce drôle d’anglais qui est arrivé dernier quand même. Mais quelques années plus tard, quand mon vieil ami Matthew Vaughn, qui produit le film, m’a parlé de ce script, j’y ai repensé. J’ai relu le livre qui lui avait été consacré, j’ai rencontré Eddie Edwards et j’ai reconsidéré tout ça. Derrière l’histoire des Jeux Olympiques, il y avait surtout un homme d’une grande détermination et plein de courage. Finalement, c’était une histoire intéressante, drôle aussi, car par nature, Eddie est quelqu’un de très drôle.
Taron, comment vous êtes-vous entraîné pour le rôle ? Vous avez dû pratiquer le ski ?
Taron Egerton : Non, je n’ai pas fait de saut à ski. J’ai appris à skier quand même, d’autant que je n’en avais jamais fait auparavant, mais le saut à ski est quelque-chose de trop particulier. Il n’y a même aucun cascadeur qui ferait un truc pareil. Et pour être honnête, je n’ai aucune attirance pour cette pratique. C’est juste terrifiant. Hugh a voulu essayer mais arrivé en haut, il a dit « Non, ça ira finalement« . (rires)
Hugh Jackman : C’est à cause de Dexter, il m’a dit « Tom Cruise, il l’aurait fait, lui » !
T. E. : Ce qui se passe dans ces pays où c’est une discipline populaire, c’est que les sauteurs à ski pratiquent ça dès leur plus jeune âge. Les entraîneurs vont dans les écoles et sélectionnent les gamins les plus casse-cou. Moi, gamin, j’étais le petit trapu qui avait un trop gros instinct de survie. Je n’aurais jamais fait ça par peur de me casser un truc !
Et dans la vie, Hugh Jackman est-il un aussi bon coach qu’à l’écran ?
T. E. : Non, il est brutal, dictateur. Il me faisait recommencer des tonnes de fois les mêmes prises. (rires). Non, c’est quelqu’un de gentil, on est vite devenus amis. On a vraiment passé un super moment sur ce tournage. Il est très expérimenté par rapport à moi, c’était un cadeau de l’avoir. Ça m’a aidé à m’élever.
Taron, il paraît que vous avez vu le film terminé, avec le vrai Eddie Edwards à vos côtés. Comment c’était ?
T. E. : C’était terrifiant ! On m’a envoyé au Pays de Galles pour une projection et c’était un piège, personne ne m’avait dit que je serai à côté du vrai Eddie ! Il était là, avec tous ses amis et sa famille en plus. J’étais très nerveux. En plus, j’étais sorti la veille et j’avais avalé je ne sais pas combien de litres de bière ! Là, j’arrive et je vois Eddie à côté de moi. Le film n’est pas un biopic, c’est une comédie inspirée par Eddie. On a fait un film « à partir » de sa vie donc c’était étrange pour lui. À la fin du film, je l’ai regardé et j’ai vu qu’il pleurait. C’est un film où on veut qu’il y ait de l’émotion, qu’on s’attache au personnage. Donc, j’étais fier. Il est allé un peu partout pour la promotion.
Mais vous l’aviez déjà rencontré sur le tournage, non ?
D. F. : Oui, on était en Allemagne. On filmait la première scène où Taron rencontre le personnage joué par Hugh Jackman. C’était un moment important de sa vie. C’était drôle. On était là, Hugh jouait la scène et tout. Et Eddie n’avait des yeux que pour la rampe de saut à ski. Il avait les yeux braqués sur le sautoir. On faisait un film sur sa vie mais lui, tout ce qui l’intéressait, c’était la rampe. Il avait l’air de se dire que peut-être devrait-il monter et sauter !
H. J. : Mais c’est un mec qui adore ça. Il a 52 ans et il a fait un saut de 90 mètres pour une œuvre de charité, quand même !
Des coupes de champagne arrivent…
T. E. : J’aime la France !!
H. J. : Ok, on reste 2 heures, 3 heures si vous voulez, pas de problème !
Que pensez-vous du message transmis par le film ?
H. J. : Un ami qui a des enfants m’a dit « Chaque parent devrait emmener ses enfants voir ce film parce qu’il vous montre qu’il n’y a pas besoin de gagner pour être un gagnant. » En Australie, la pression sur les enfants est tellement forte dans le système scolaire par exemple, qu’Eddie est un très belle exemple. Il est dévoué à son objectif, il a lutté, et il a accompli son propre but.
Trouvez-vous qu’être un acteur a des similitudes avec être un athlète ?
T. E. : Hugh approche son métier comme un athlète. Pas seulement parce qu’il a eu des rôles physiques comme Wolverine, mais parce qu’il a un niveau d’engagement, de détermination et de concentration digne d’un athlète. Il ne prend rien pour acquis et ça m’impressionne énormément. Moi je n’ai pas encore ce niveau là. C’est une question intéressante car oui, il y a un peu de ça.
D. F. : Ce fut une chance pour moi d’avoir ces deux acteurs magiques. La magie de ce film, c’est qu’ils étaient tous les deux très ouverts, ils réagissaient avec les gens qui les entouraient. Les acteurs sont là pour prendre du plaisir à jouer l’un avec l’autre et en tant que réalisateur, je mettais ma caméra et j’avais juste à les laisser faire. Dans l’ensemble, l’alchimie entre eux a aidé. Ce fut merveilleux pour moi, cette amitié transpire à l’écran.
H. J. : Cette rencontre est la dernière étape de notre tournée et ça a été un bonheur pour moi d’écouter Dexter parler du film. Raconte nous encore comment ça s’est passé quand tu as montré le scénario à Christopher Walken…
D. F. : Il ma appelé alors que j’étais à la montagne. (Il se met à imiter Christopher Walken et son accent – ndlr) : « Bonjour, c’est Chris. J’ai eu le scénario, je l’adore. D’habitude, je lis les scénarios trois fois, celui-là, je l’ai lu que deux fois. Faut que je le relise encore une fois. Et y a Hugh Jackman, formidable acteur. Formidable. Faut qu’on dîne ensemble ! » (rires)
On sent un grand amour pour le cinéma des années 80 dans Eddie the Eagle. Quels films avez-vous revu en prévision du tournage, ou plus généralement, quels sont vos films de cœur des années 80 ?
H. J. : Les Chariots de Feu.
T. E. : L’Oncle Buck. Et Quand Harry Rencontre Sally ! (rires)
D. F. : Ferris Bueller !
H. J. : Indiana Jones. Breakfast Club aussi.
T. E. : Le Retour du Jedi !
D. F. : Et il y avait les comédies d’Eddie Murphy. Un Fauteuil pour Deux par exemple. Ce qui est bien avec les années 80, c’est qu’il y avait encore cet effet « après les années 70 ». Les studios ne contrôlaient pas encore tout, il y avait encore cette liberté du cinéma des années 70. John Landis est un cinéaste fantastique par exemple, pour ça, notamment quand on voit Ghostbusters. Ce sont des références qui ont été importantes pour faire Eddie the Eagle.
Dexter, qui a eu l’idée de ce subtil clin d’œil au film Ten de Blake Edwards, avec la musique du Boléro, Bo Derek… ?
D. F. : C’est moi pour le coup. On avait plusieurs options, on avait pensé à Linda Gray dans la première version du scénario. On avait pensé à Victoria Principal aussi.
T. E. : Dexter me parlait de gens, je ne savais même pas qui c’était ! Victoria Principal, c’était celle qui jouait dans Dallas, c’est ça ?
D. F. : Oui. Bon, elle a aussi joué chez John Huston, mais oui. Le crédit est aussi à mettre à mon monteur. Quand on a revu les images où on parlait de Bo Derek, on a pensé à la musique et il a dit « Oui, super idée !« . Mais non, retenons que c’est mon idée, c’est mieux ! (rires) Ça participe à cet esprit années 80 du film.
H. J. : Je me rappelle quand le film est sorti, mon prof de musique au collège nous a obligé à tous étudier le Boléro de Ravel ! Alors que nous, on ne pensait qu’à Bo Derek !
T. E. : Il est vraiment bon ce champagne, c’est quoi, Veuve-Clicquot ? (rires)
Vous êtes habitués aux gros films d’action et ça fait plaisir de vous voir aussi dans quelque-chose de plus « petit ». Cela dit, même si c’est une production plus petite, il y a quand même des effets spéciaux et de l’ambition. Ça n’a pas dû être simple à faire…
D. F. : Il y a des effets spéciaux. On ne pouvait pas permettre aux acteurs de s’élancer de 90 mètres à ski. Il y a aussi des effets pour la foule. C’est un petit film indépendant, on n’avait pas beaucoup d’argent.
H. J. : On a quasiment tous commencé dans des films indépendants. C’est merveilleux. Au bout de 2-3 semaines, je me suis dit que ça faisait longtemps que je n’avais pas fait un film comme ça. Ça fait plaisir en tout cas que vous vous rendiez compte que ça n’a pas été un film « simple à faire ». Ce fut un plaisir de chaque instant et j’ai été impressionné par le travail de Taron. Vous savez qu’à la fin, c’est lui qui chante ! Moi j’ai fait les chœurs mais c’est lui qui chante. Il y a plein de choses à découvrir chez lui, encore !
T. E. : Vous disiez que c’est un « petit film » mais mettez-vous à ma place. Mon second rôle, c’est juste Hugh Jackman quoi ! Pour moi, c’était pas un petit film du coup. Et il y avait Christopher Walken en plus ! Ce fut un rôle très particulier pour moi et je suis fier d’avoir pu montrer que je peux faire autre chose.
Taron, votre performance apporte quelque-chose de très tendre, de très naïf, surtout dans cette période actuelle où règne le cynisme. Comment avez-vous travaillé cet aspect ?
T. E. : Eddie admirait beaucoup de gens dans le script, c’est ce qui lui donne ce côté naïf. Il est un peu comme un enfant. Peut-être qu’il y a de ça en moi d’ailleurs. Désolé, je suis très mauvais pour répondre aux questions ! (rires)
Vous évoquiez le budget qui était petit, comment avez-vous travaillé la reconstitution ?
D. F. : J’ai eu une équipe extraordinaire, la costumière, les accessoiristes. Là où l’argent manquait, on compensait par la mise en scène, par des plans et par l’émotion. Le résultat rend hommage à tous ces départements techniques qui travaillent derrière. La passion des gens impliqués nous a beaucoup aidé. Il faut dire que l’histoire et les performances sont tellement géniales que ça permet de passer au-dessus de beaucoup de choses.
Quand on regarde le film, on sent une incroyable énergie positive qui s’en dégage. Est-ce que vous la ressentiez aussi en faisant le film ?
T. E. : Oui, absolument ! C’est quelque-chose que les acteurs disent tout le temps mais là, vraiment, ça a été l’un des plus beaux moments de ma vie. Je suis quelqu’un de très paresseux, je n’aime pas me lever le matin etc… Mais avec ce film, c’était magique d’être sur le tournage avec Hugh, avec Derek et tous les autres. Quelqu’un m’a dit il n’y a pas longtemps, que c’est le meilleur film sur lequel j’ai pu travailler. Je l’ai ressenti comme ça. Dexter a su créer cette atmosphère positive, amusante. Parfois, on peut être tendu sur un tournage. Mais avec Dexter et son esprit, Hugh qui est quelqu’un de très chaleureux, et cette histoire qui est vraiment drôle et sans cynisme, c’était une alchimie parfaite. Demain, on se sépare tous les trois et ça va être très triste.
H. J. : Ça a été merveilleux pour moi. Tous les jours, je me sentais bien. Tous les jours, on était content de faire ce film. Quelqu’un m’a dit qu’il ne m’avait jamais autant entendu rire sur un tournage. Je viens du théâtre et quand vous faites une pièce, si les acteurs ne sont pas bien ensemble, ça se ressent. C’est pareil quand on fait un film.
Retranscription Mondociné.
Un immense merci à l’agence Déjà et à 20th Century Fox.