Après son énorme coup d’éclat que fut Mommy, les nouveaux films de Xavier Dolan, le prodige de 27 ans, sont attendus avec beaucoup d’attention et d’impatience, remuant au passage le tout Cannes durant son Festival. Nouvelle histoire, pour un casting français, le réalisateur continue « d’achever » le public avec son tractopelle émotionnel : Juste la fin du monde.
Récit d’une séance…
On va commencer à s’habituer, mais pour les novices comme moi, qui n’ont que peu de films de Dolan à leur compteur (Laurence Anyways et Mommy), il arrive que l’on garde encore cette naïveté en se rendant à un de ses films. On se doute, de loin, qu’il y a de fortes chances que ce soit bien, très bien même, mais on est loin de se douter de ce qu’on va nous infliger. La prochaine fois, je ne me ferai plus avoir. N’y voyez aucun reproche, j’apprécie ce sado-masochisme qu’il y a entre le metteur en scène et ses spectateurs, parce que c’est bien de cela dont il s’agit ! Dolan est d’une violence inouïe dans ses émotions, ses sentiments. Il vous les balance en pleine tête tel un boulet de canon, et même la plus préparée des personnes se le prendra quand même dans la figure. Impossible d’y échapper. Cette violence psychologique, qu’il travaille crescendo, est toujours sur le fil du rasoir, à deux doigts d’exploser. Et le pire, c’est que vous en redemanderez encore ! Du sado-masochisme je vous dis !
Xavier Dolan donne cette impression de prendre du gallon à chaque film, prouvant à chaque fois qu’il est un directeur d’acteurs absolument incroyable, repoussant ses comédiens dans leur retranchement tandis qu’il va farfouiller dans les entrailles des spectateurs pour les faire souffrir. Et oui, je ne vous le cache, comme Mommy, Juste la fin du monde fait mal. Encore une fois, on sort de la séance sur les genoux, vidés, chamboulés, meurtris, on a presque envie de lui en vouloir et de lui demander « Pourquoi tu nous fais ça Xavier ?! », mais nous n’en ferons rien. Telles des victimes, on pardonne à notre bourreau. Son talent ne s’arrête pas au maniement de ses acteurs, il est incontestablement un réalisateur à l’œil avisé, osant des cadrages ambitieux, notamment son choix du plan rapproché exposant le spectateur à la proximité et à la tension de ses personnages. À la manière de Mommy et de son cadrage carré s’ouvrant sur le plein écran, Juste la fin du monde s’approche au plus près des émotions, sublimant les visages expressifs et la profondeur du jeu des acteurs. Impossible de fuir le torrent émotionnel qui s’offre à vos yeux. Et encore comme Mommy, les moments de répit sont rares.
Un réalisateur et un film ne seraient rien sans des acteurs. Que dire ? Rien. Ou plutôt, tout. Des personnalités distinctes dont Dolan tourne le curseur émotif lentement jusqu’au maximum. Des talents qui explosent à l’image et qui laissent sans voix ! En tête de ligne (et à ma très grande surprise, vu que je la trouve en général mono-expressive), Marion Cotillard qui se révèle enfin, présentant à mon avis l’un de ses meilleurs rôles. Elle est d’une splendeur terriblement touchante. Les autres ne sont pas en reste : Gaspard Ulliel accompagne les secrets de son personnage avec une étonnante retenue, Vincent Cassel laisse sortir un colérique meurtri, Léa Seydoux, la jeune femme rebelle incomprise. Et enfin, le seul point noir de ce film, le personnage de Nathalie Baye. Elle n’y est malheureusement pour rien, mais son rôle est fatigant et agaçant.
Juste la fin du monde vous coupera le souffle tel un coup de poing dans le ventre. Il saura vous surprendre par le choix des musiques qui vont à contre-courant du sujet, c’en est agréablement surprenant. Il vous tordra les tripes comme si on vous brisait le cœur encore et encore. Il vous étonnera par son esthétisme. Et surtout, il vous laissera pantois par ses acteurs et ses émotions.
Cher Xavier, tu réussis encore à nous toucher en plein cœur et nous sommes encore une fois tombés dans le panneau. Chapeau l’artiste !
Sortie en salles le 21 Septembre 2016.
http://www.imdb.com/title/tt4645368/?ref_=nv_sr_1