Il m’aura fallu attendre Ant-Man et mon indisponibilité à me rendre à la projection pour enfin avoir un article pour mon blog de Mondocine ! Est-ce que l’homme fourmi a su éveiller son âme d’enfant ? Je vous laisse juger par vous-même (vous verrez, on est loin de ma longueur de critique, mais c’est un autre niveau, un autre type d’analyse. Vous allez aimé, j’en suis sûre) :
Un peu à la manière des Gardiens de la Galaxie, l’adaptation du Comics Ant-Man arborait de faux airs de film « à part » dans l’univers Marvel actuel. Si le studio affiche clairement son intention de le rattacher prochainement à sa franchise Avengers, le projet de long-métrage autour de l’homme-fourmi représentait un pari risqué et audacieux, à de nombreux égards. En premier lieu, parce que Ant-Man est un super-héros atypique, loin d’être une fière figure musculeuse tout en puissance et en virilité comme quantité de ses voisins. On parle quand même d’un combattant en costume de la taille d’un insecte ! Ensuite, car visuellement, le film représentait un vrai défi formel pour parvenir à ramener à échelle réduite, tous les codes et les ingrédients d’un univers de super-héros traditionnel. Dans tous les cas, une chose est sûre, Ant-Man revient de loin. De très loin, même. Mis sur la table à la fin des années 80 avant de capoter pour cause de « proximité » avec Chérie, J’ai rétréci les Gosses (véridique), l’homme-fourmi a du patienter et attendre les années 2000 et la déferlante de film de super-héros, pour connaître enfin son envol sous la direction du cinéaste Edgar Wright. Un choix original pour un film original, qui semblait toutefois rassurer bien des fans, même si le mariage entre le réalisateur décalé de la trilogie Cornetto et Disney, laissait songeur. L’histoire le confirmera d’ailleurs, puisque le divorce sera prononcé en 2014 après des années de développement, lorsque le britannique abandonnera l’affaire à quelques semaines du tournage, pour divergences artistiques profondes avec le studio sur la ligne directrice à donner à Ant-Man. La folie d’Edgar Wright se serait-elle un peu trop frictionnée avec le formatage des films Marvel de la Phase II, dont Ant-Man est la dernière pierre ? Une évidence. Repris par Peyton Reed, cinéaste plus docile, auteur de comédies comme La Rupture ou Yes Man avec Jim Carrey (notez l’ironie du titre), Ant-Man commençait alors à inquiéter malgré son alléchante distribution, l’omni-sympathique Paul Rudd endossant le costume de l’homme-fourmi, entouré de beaux noms tels que Michael Douglas, Evangeline Lilly, Corey Stoll ou Michael Peña. Des inquiétudes ensuite nourries par des premières bandes annonces peu convaincantes, puis presque balayées aussi sec par les dernières, nettement plus rassurantes et prometteuses d’un grand spectacle potentiellement réussi et soufflant un vent d’air frais au milieu des Iron Man, Thor, Avengers et autres Captain America.
Mais trêve de blabla, que vaut donc Ant-Man à l’arrivée, est-il la folie virtuose et virevoltante espérée ou une cruelle déception nous obligeant encore à patienter avant de voir un film Marvel pleinement abouti et fédérateur ? La première impression que laisse le film de Peyton Reed, est comparable à celle d’un thé tiède que l’on viendrait tout juste de se servir et dont on se satisferait par flemme de se relever pour aller le faire réchauffer encore un coup. Ce n’est pas désagréable en soi mais le plaisir du palais à un parfum de gâché et d’inachevé. En somme, Ant-Man baigne dans un entredeux, à la fois divertissement satisfaisant rappelant vaguement l’esprit du premier Iron Man (probablement le Marvel auquel il serait le plus comparable dans l’absolu) et petite déception laissant un sentiment mitigé, doublé d’un arrière-goût d’amertume. Point par point, c’est sans arrêt cet écartèlement qui va revenir caractériser le lancement des aventures de l’homme-fourmi au cinéma. Comme les fourmis qui sont petites et travailleuses, Ant-Man est au final un « petit film » mais qui essaie avec générosité. Sauf qu’il le fait bien souvent maladroitement et ne capitalise jamais assez sur ses qualités, au point de finir par en faire des défauts.
Le script par exemple, où ruissèlent en fond de toile, de vagues restes du travail d’Edgar Wright, laissant entrevoir le projet qu’aurait pu être Ant-Man, si son passage dans le moule Marvel version Kevin Feig ne l’avait pas défiguré par un lissage destiné à le faire rentrer dans les canons actuels du studio. Par intermittence, les idées nées sous la direction du réalisateur de Hot Fuzz et Scott Pilgrim s’affichent comme de vagues morceaux de tapisserie mal décollés, mais la matrice dans laquelle il a été refondu ne lui seyait guère et lui ôte une bonne partie de son originalité, de sa créativité et de sa truculence attendues. Ces restes ne suffisent pas à embellir et à transcender un ouvrage qui oscille inlassablement entre audace et sagesse, entre envie et impersonnalité. La direction artistique et la mise en scène de Peyton Reed se soumettent ensuite aux mêmes indélicatesses. Si Ant-Man est prometteur au départ, parvenant à matérialiser avec brio son concept de la miniaturisation au détour de quelques séquences ahurissantes (la première transformation dans la baignoire, par exemple), il ne parvient pas à maintenir son haut-niveau formel sur la durée et le défi technique finit par sombrer lentement dans le non-incroyable, peu aidé par une 3D qui ne joue pas assez avec une mise en scène filmant des scènes d’action assez fades. Et ainsi de suite, de la conduite de l’histoire à l’humour injecté, des personnages aux effets spéciaux, en passant par l’interprétation ou le production design, Ant-Man est la perpétuelle histoire d’un mariage maladroit, souvent trop ou pas assez, souvent embarqué dans la bonne direction mais ne s’appliquant pas à la suivre avec panache.
Ant-Man paraît surtout être un film qui ne sait pas très bien ce qu’il fait, où il va, et ce qu’il veut être. Si l’on reconnaîtra bien volontiers qu’il déploie de gros efforts pour s’ériger au-dessus du panier de crabes où évolue ses confrères tous semblables à des photocopies des uns et des autres, reste qu’il ne parvient jamais à convaincre pleinement, capable du meilleur comme du moins bon, capable de soubresauts mais rechignant à embrasser pleinement décalage et second degré. On regrettera autant ses tunnels de dialogues et sa trop longue exposition, que l’on pourra être séduit par certaines de ses fulgurances (notamment un combat avec un guest dont on vous garde la surprise). De même que l’on aura souvent éprouvé des difficultés à pénétrer dans son univers miniature souffrant d’un manque d’épique entravé par son concept alors que globalement, le spectacle nous est apparu sympathique. Sympathique mais affichant des carences en lyrisme, doté d’intentions épatantes mais manquant d’adresse, essayant des choses mais sans se révéler vraiment surprenant. Le chat qui se mord la queue en définitive, où l’on perçoit des notes de bonne volonté mais insuffisamment traduites. A propos de son concept « macro », on ajoutera que Ant-Man joue à un jeu dangereux dans un premier temps malin, mais qui vrille vers un effet boomerang à chaque fois que Peyton Reed essaie de s’en amuser un peu. Le recours au running gag resituant à échelle réelle, l’épique du spectacle miniature, finit par en devenir contreproductif. On rit d’abord de la blague, avant d’être gêné par ce procédé annihilateur à force de ramener la vision du spectateur vers la réalité d’un film qui se joue à une échelle anti-épique. En clair, Ant-Man essaie de nous absorber dans sa dimension lilliputienne avant de briser la crédibilité de qu’il avait construit en nous imposant une réalité premier degré pas loin du ridicule : les explosions ou les destructions massives ne sont que de micro-effets ne cassant pas grand-chose de significatif. Seuls les combats essaient de garder un cap un brin impressionnant.
En bref, Ant-Man a deux visages et aucun des deux ne réussit à prendre vraiment le dessus sur l’autre. Tant est si bien que le film en devient bancal, à la fois correct et dans le même temps, insatisfaisant et ne comblant pas notre appétit alors que s’y côtoient des envies intéressantes et un potentiel sabordé, dans un long-métrage au final trop moyen pour convaincre. Loin d’être la purge redoutée par certains, Ant-Man n’est pas non plus le sommet qu’il aurait pu être. Reste une distraction pleine d’humour (même s’il a tendance à dériver vers la lourdeur) mais inscrite au régime des intermittents du spectacle. Et histoire de prévenir, ne manquez pas la traditionnelle scène post-générique, elle a sa pertinence.
Sortie en salles le 14 juillet.
Nicolas Rieux – Mondocine